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Emprisonner mieux : Conjuguer dignité et efficacité de l'emprisonnement

Le 03 avril 2021
Emprisonner mieux : Conjuguer dignité et efficacité de l'emprisonnement
Les enjeux électoraux sont propices à la création de nouvelles places de prison, sans réflexion sur la dignité en détention ni sur l'efficacité de la peine au regard des taux de réitération en cas d'aménagement.

Malgré le mythe des conditions d'incarcération se rapprochant de celles offertes aux touristes qui séjournent dans les établissement du Club Méditerranée, le parc immobilier de l'administration pénitentiaire se dégrade. L'impérieux besoin de rénovation des établissements doit permettre une réflexion sur la maîtrise du nombre de détenus par rapport aux capacités structurelles du parc carcéral et proposer de nouvelles pistes de réflexion.


En application du Décret du 13 mars 1911, l'administration pénitentiaire est placée sous la tutelle du Garde des Sceaux. Cette translation a entraîné le doublement immédiat du budget du Ministère de la Justice. Curieusement, le ratio entre le coût des activités juridictionnelles et le poids du monde carcéral n'a pas véritablement évolué. Ainsi, en 2020, le budget global de la justice est de 7,58 milliards d'euros dont 3,75 milliards pour la seule administration pénitentiaire.

Le coût budgétaire est notamment lié à la création continue de nouvelles places de détention, dont l'utilité reste à démontrer. Michel FOUCAULT écrivait dès 1975 dans l'ouvrage « Surveiller et Punir » que « les prisons ne diminuent pas le taux de criminalité : on peut bien les étendre, les multiplier ou les transformer, la quantité de crimes reste stable ou, pis encore augmente». Des budgets existent pour développer encore et encore l'immobilier carcéral.


Néanmoins, il est pour le moins curieux de constater que le nécessaire n'est pas toujours fait s'agissant de l'entretien du parc existant. Comme l'indiquait Virginie GAUTRON dans « Les idées claires » (émission du 11 août 2019 animée par Nicolas MARIN sur France Culture) : « Plus on construit, moins on rénove. Ce qui est une catastrophe». En effet, l'Etat a été condamné à plusieurs reprises pour l'insalubrité chronique de ses prisons.


L'Observatoire International des Prisons (OIP) rappelle que 35 établissements ont été reconnus comme exposant les personnes détenues à des traitements inhumains et dégradants par les juridictions françaises. Au plan international, la France a également été condamnée à 17 reprises par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) en raison des conditions de détention, dont un arrêt JMB c/ FRANCE du 30 janvier 2020 dont les pouvoirs publics peinent à tirer les conséquences... qui ne manqueront pas de s'imposer d'elles mêmes. Arrêt CEDH J.M.B. et autres c/ France


Cette situation est notamment la conséquence de la délégation de service public massive dans la gestion des établissements pénitentiaires, depuis le plan CHALANDON de 1988. Celle-ci concerne actuellement 75 des 185 établissements français, a entraîné une baisse de la qualité des prestations sans qu'aucun contrôle efficace ne soit mis en place, comme l'indiquait dès 2000 la Cour des Comptes dans son rapport annuel.


Ce désengagement de l'Etat s'est accentué par un recours coûteux aux Partenariats Privé Public (PPP) à compter de 2004. Ces PPP concernent 15 % des places de détention et absorbent 40 % du budget consacré aux dépenses immobilières.


Toutefois, ce choix présente deux avantages importants. D'une part, une expansion rapide du parc pénitentiaire, d'autre part une dette de loyer qui limite la charge budgétaire dans la présentation des comptes publics, celle-ci n'étant pas une dette liée à un emprunt. Cela est d'autant plus étonnant que des analyses démontrent que le coût du remboursement de l'emprunt serait inférieur aux loyers versés à VINCI, BOUYGUES, EIFFAGE ou SPI BATIGNOLLES.


Ainsi, la construction d'une place de détention est évalué par l'OIP à 160.000 €, pour un coût de fonctionnement journalier de 100,00 €.


En outre, la «nécessité » électorale de promettre la construction de nouvelles places de détention laisse de côté la problématique de l'aménagement de la peine de détention. Souvent présenté par ses détracteurs comme un cadeau fait au condamné, il s'agit en réalité d'outils réduisant efficacement le risque de réitération par rapport à une « sortie sèche ».


Ainsi, comment ne pas s'étonner que sur la période 2010-2019 le nombre de places dans les quartiers de semi-liberté soit passé de 1765 à 1751, le coût journalier étant évalué à 60 €.


Pire encore, comment peut-on continuer à accepter le niveau insignifiant de l'investissement public dans le cadre des placements extérieurs, qui ne concernait en 2019 que 323 condamnés dans les structures dépendant de l'administration pénitentiaire et 571 dans les autres types de structures ? L'efficacité de ce type d'aménagement de peine n'est pourtant plus à démontrer comme son coût d'environ 30 € par jour devraient être considérés comme particulièrement attractifs.


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