La Loi du 14 avril 2011 a inséré dans le code de procédure pénale des dispositions relative au cadre juridique dans lequel l'avocat intervient au cours d'une garde à vue. Le texte apparaît clair, néanmoins la Cour de Cassation est venue apporter des précisions utiles s'agissant de la notion de conflit d'intérêts. Si la position de la Chambre Criminelle apporte des réponses dans un arrêt du 21 octobre 2015 (N° de Pourvoi 15-81032), elle pose cependant d'autres questions qu'il faudra un jour avoir le courage politique de résoudre.
Les faits de l'espèce sont relativement simples. Un gardé à vue sollicite à l'occasion de la notification de ses droits le même avocat que celui désigné par une autre personne interpellée dans ce dossier et également gardée à vue.
L'Officier de Police Judiciaire (OPJ) estime qu'il existe un conflit d'intérêt et invite le second gardé à vue à faire le choix d'un autre Conseil ou à solliciter l'intervention d'un avocat au titre de la Commission d'Office pour être assisté ou cours des auditions à venir.
C'est l'avocat de permanence qui interviendra au titre de la Commission d'Office en lieu et place de l'avocat initialement choisi, lequel n'a pas été prévenu de la situation par l'OPJ.
Mis en examen à l'issue de la Garde à Vue, le justiciable saisira la Chambre de l'instruction aux fins de faire annuler les Procès-Verbaux d'audition au cours de sa garde à vue. L'arrêt rejette la demande au motif qu'il existait un Conflit d'Intérêts et que le gardé à vue a pu bénéficié de l'assistance d'un avocat au titre de la Commission d'Office.
C'est aller un peu vite en besogne et faire peu de cas des termes de la Loi.
En effet, aux termes de l'article 63-3-1 du Code de Procédure Pénale, la Loi dispose que :
La Cassation était encourue par le fait qu'il ne ressort pas de l'arrêt que le mis en examen ou son Conseil aient eu la parole en dernier, conformément aux dispositions de l'article 199 du Code de Procédure Pénale.
Au-delà de ce motif de pure procédure, la Chambre Criminelle a rappelé que si l'OPJ peut constater l'existence d'un Conflit d'Intérêts, cela ne le dispense pas de contacter l'avocat choisi. Cette carence est une attente aux droits de la défense justifiant la nullité de la procédure, quand bien même un autre avocat serait intervenu.
Cette méconnaissance procédurale est, par elle même, de nature à faire grief aux droits de la défense du gardé à vue.
La Cour de Cassation rappelle également que seul l'avocat peut apprécier l'existence d'un conflit d'intérêts et le cas échéant faire demander la désignation d'un autre avocat.
En cas de difficulté relative ou non à l'existence d'un éventuel conflit d'intérêts, il appartient à l'OPJ, directement ou par l'intermédiaire du Procureur de la République, saisir le Bâtonnier aux fins de désignation d'un autre défenseur.
Pour autant, comment peut-on considérer que l'avocat choisi, ou le cas échéant le Bâtonnier, puisse prendre en conscience la décision de faire intervenir un autre avocat en raison d'un conflit d'intérêts … en l'absence de communication de l'ensemble des procès verbaux d'enquête ?
Il faudra un jour considérer que les droits de la défense, y compris l'accès au dossier doivent s'appliquer dès l'interpellation. A défaut, des dispositions légales peuvent être privées de tout effet utile.
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