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Loi du 27 mai 2014 : Des droits pour le suspect libre

Le 29 octobre 2014
Loi du 27 mai 2014 : Des droits pour le suspect libre
La France met enfin en œuvre un cadre juridique protecteur pour les personnes entendues hors de toute contrainte

Alors que la Loi du 14 avril 2011 consacrait – enfin ! - l'intervention de l'avocat lors des interrogatoires, le cadre juridique posé ne concernait que les personnes faisant l'objet d'une mesure de Garde à Vue. Les « suspects libres », entendus dans le cadre d'une « audition libre » étaient tout au plus informés de leur droit de quitter à tout moment les locaux dans lesquels il était entendu.

En transcrivant les directives 2012/13/UE et 2013/48/ UE en droit interne la Loi du 27 mai 2014 fait bénéficier le suspect libre, à savoir la personne « à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction » mais entendue hors de toute contrainte, d'un indispensable cadre protecteur lors de leurs auditions.

Ainsi donc les suspects libres, qui pouvaient être considérés comme moins dangereux ou ayant commis une infraction de moins grande importance, bénéficiaient de droits limités lors de leur interrogatoires. Tout laissait néanmoins à penser que leur audition restait similaire sur le fond à celle des gardés à vue, laissant toute latitude aux enquêteurs pour faire naître un aveu.

Désormais, la Loi reconnaît au suspect libre des droits proches de ceux accordés à la personne placée en Garde à Vue, à savoir le droit à l'information précisé dans la directive 2012/13/UE :

La qualification juridique des faits pour lesquels il est entendu, ainsi que la date et le lieu de leur commission,

Le droit de quitter à tout moment les locaux où il est entendu,
Le droit d'être assisté d'un interprète le cas échéant,
Le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire.

Curieusement, la Loi ne permet pas au suspect libre de solliciter l'intervention d'un médecin pour vérifier si son état médical est compatible avec une audition libre qui dont la durée maximale peut être de 04 Heures, pas plus qu'il ne plus est permis de faire prévenir son employeur ou un proche.

Reste la question de l'assistance de l'avocat au cours des interrogatoires du suspect libre, tel que défini dans la directive 2013/48/UE, dont la transcription en droit français devait intervenir au plus tard pour le ...27 novembre 2016.

Si l'on ne peut que se féliciter que le Gouvernement ait anticipé l'évolution nécessaire du droit français, force est de constater que cette évolution se fait à nouveau a minima.

En effet, l'intervention de l'avocat dans le cadre de l'interrogatoire d'un suspect libre ne permet pas à celui-ci de jouer un rôle actif, même limité comme c'est le cas lors des interrogatoires réalisés en cours de Garde à Vue.

On peut néanmoins espérer qu'en pratique les enquêteurs permettront à l'avocat de faire poser des questions. A défaut, les notes d'observation au dossier risquent de s'empiler dans le dossier de procédure...

La Loi reste taisante sur le nécessaire accès au dossier par l'avocat du suspect libre, alors même que les exigences européennes issues notamment de la jurisprudence constante de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) par les arrêts GRINENKO c/ UKRAINE du 15 novembre 2012 et STOJKOVIC c/ FRANCE et BELGIQUE du 27 octobre 2011 ne permettent nullement de distinguer selon que la personne est entendue en qualité de Gardé à Vue ou de Suspect Libre.

Enfin, l'intervention de l'avocat au cours d'un interrogatoire d'un suspect libre n'entrera en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2015, afin que les modifications nécessaires au Décret sur l'Aide Juridictionnelle puissent être apportées...

On ne peut cependant que s'interroger sur les termes de la Loi du 27 mai 2014 qui précise aux termes de l'article 61-1 5° du Code de Procédure Pénale que les frais de l'intervention de l'avocat au bénéfice du suspect libre « seront à sa charge, sauf si elle remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle ».

On ignore encore les modalités selon lesquelles cette nouvelle difficulté sera réglée, tant il est inenvisageable que les avocats, professionnels libéraux, assument la défense des intérêts d'un suspect libre sans avoir la garantie d'être indemnisés.

Il n'en reste pas moins que l'évolution d'un dossier dépend principalement des déclarations faites au cours de l'enquête.

Si vous êtes entendu en qualité de suspect libre, ne faites jamais l'économie de l'intervention d'un avocat, qu'il intervienne au titre de la Commission d'Office ou que vous l'ayez choisi !