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Rapport DELEVOYE : Analyse de l'impact pour la profession d'avocat

Le 22 août 2019
Rapport DELEVOYE : Analyse de l'impact pour la profession d'avocat
Analyse des incidences en cas de mise en oeuvre d'un régime de retraite universel : plus de charges, moins de prestations et fermetures de cabinets. Quel avenir pour la profession ? Quelles conséquences s'agissant del'accès au droit pour le justiciable ?

En juillet 2019, la Haut-Commissaire à la Réforme des Retraites déposait un rapport sur l'évolution nécessaire de la solidarité, tant en matière de cotisation et de redistribution, pour garantir l'équilibre financier de l'ensemble du système. Si d'aucuns ont pu considérer que certains régimes avaient perdu leur spécificité et devaient réintégrer le cadre du régime général, les propositions du Haut-Commissaire vont bien plus loin : Fusionner l'ensemble des 42 régimes, y compris les régimes autonomes, dans un régime universel unique. Quels enjeux pour la profession d'avocat ? Et plus largement, quels enjeux pour les justiciables ?


Les avocats cotisent auprès de la CNBF (Caisse Nationale des Barreaux Français), s'agissant de leurs cotisations de retraite et de prévoyance. Il s'agit d'un régime autonome, de sorte que seuls les avocats en activité cotisent pour les avocats ayant fait valoir leur droits à la retraite. Compte tenu de de la proportion actuelle d'environ 4 actifs pour un retraité, il existe des excédents qui permettent d'une part d'assurer la pérennité du versement des prestations pour plusieurs dizaines d'années en totale autonomie financière, et pour une retraite de base d'un montant actuel de 1.450,00 € pour tous quelle qu'ait été la réalité du parcours professionnel


D'autre part, la bonne gestion des cotisations versées à la CNBF permet de participer à un effort de solidarité vis à vis d'autre caisses de retraite largement déficitaires pour un montant annuel d'environ 85 millions d'euros.


Les projections liées à la création d'un régime de retraite universel vont bouleverser ses équilibres, tant s'agissant des prestations, que des cotisations.


Tout d'abord, le régime universel tel que proposé par le rapport DELEVOYE propose un système de cotisation par point, lequel n'ouvrira pas de droits pour les périodes sans cotisation. Les incidences pour les plus fragiles qui auront connu des périodes de de chômage ou d'invalidité sont évidentes. Il en va de même pour les périodes de maternité, qui vont créer une disparité dans les prestations retraite entre les hommes et les femmes.


Ensuite, l'équilibre budgétaire envisagé dans le cadre d'un régime universel suppose un taux de cotisation unique fixé à 28%.


Ce taux forfaitaire, masque certaines réalités.


Premièrement, le taux n'est pas supporté de la même manière pour tous, puisque s'agissant des salariés, il intègre la part patronale supportée par l'employeur.


Deuxièmement, doubler le taux de retraite pour les avocats en le faisant passer de 14% actuellement à 28 %, occulte la réalité des charges sociales supportées par les professions libérales.


Ainsi, les avocats cotisent auprès de l'URSSAF, mais ne peuvent prétendre au chômage. Les robes noires supportent également des charges liées à leur régime de sécurité sociale, mais la durée de carence avant une prise en charge est de … 90 jours, ce qui rend indispensable la souscription à des régimes complémentaires.


L'amoncellement des frais de diverses natures auxquels la profession doit faire face, engendre un taux de charge qui peut atteindre 55%. Il n'est pas envisageable qu'il puisse passer à 70% demain.


Il en va de la survie économique de nombreux cabinets.


Il en va également de la pérennité de l'accès au droit pour les justiciables, pour accompagner un homme ou une femme, une enfant, un retraité, une victime, un parent dans le cadre d'une séparation, un locataire devant les tribunaux.


Les solutions numériques ont leurs limites et ne pourront jamais rassurer, assister, expliquer.


Les avocats pourront-ils encore le faire demain dans le mêmes conditions qu'aujourd'hui, notamment au profit des plus démunis ? Seront-ils contraints de supprimer une certaine forme d'humanité et de probité pour pouvoir continuer à exercer leur métier ?

CREDIT PHOTO : Me Nawel FERHAT