Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Discernement : Des limites aux conséquences de l'abolition ou de l'altération

Discernement : Des limites aux conséquences de l'abolition ou de l'altération

Le 26 janvier 2022
Discernement : Des limites aux conséquences de l'abolition ou de l'altération
Quelle efficacité pour les articles 122-1-1 et 122-1-2 du Code Pénal, lesquels définissent des critères permettant de retenir la responsabilité pénale d'un auteur d'infraction malgré une abolition ou une altération du discernement ?

L'article 122-1 du Code Pénal précise les conséquences d'une abolition ou d'une altération du discernement quant à la responsabilité pénale de l'auteur d'une infraction.


Ainsi, l'alinéa 1er de l'article 122-1 du Code Pénal dispose que la responsabilité pénale de l'auteur de faits constitutifs d'une infraction ne peut être engagée en cas d'abolition du discernement. Jusqu'à récemment, la Loi ne consacrait pas de distinction selon que la cause d'une telle abolition soit consécutive ou non à la prise de produits psychoactifs, comme le rappelait la Cour de Cassation dans un arrêt rendu en date du 14 avril 2021 par la Chambre Criminelle.


Néanmoins, en raison de l'émotion suscitée par cette décision par ailleurs tout à fait justifiée d'un point de vue strictement juridique (voir notamment l'article du blog sur ce sujet), le législateur a fait le choix de modifier le droit positif sur ce sujet.


A la suite de l'article 122-1 du Code Pénal qui demeure inchangé, la Loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a ajouté un article 122-1-1 rédigé comme suit :


« Le premier alinéa de l'article 122-1 n'est pas applicable si l'abolition temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d'un crime ou d'un délit résulte de ce que, dans un temps très voisin de l'action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l'infraction ou une infraction de même nature ou d'en faciliter la commission ».


Si la Loi vient désormais distinguer selon la cause de l'abolition du discernement, il est légitime de s'interroger sur l'efficacité réelle de ce texte.


En effet, pour écarter le principe d'irresponsabilité pénal, il serait nécessaire que la consommation de substances psychoactives (lesquelles ne sont pas exclusivement des produits stupéfiants) soit réalisée dans un temps « très voisin de l'action ».


Cela écarte les cas ou l'abolition du discernement est continue en raison de la structure mentale de l'auteur mais ouvre aussi une discussion sur la notion de « temps très voisin de l'action », qui restera à préciser.


Mais au surplus, il conviendra de démontrer que la consommation de ces substances psychoactives a été réalisée dans le but de commettre une infraction.


Le cumul nécessaire de ces critères limitera probablement de manière importante le champ d'application de ce texte. Au point que l'on peut y voir un objectif purement déclaratif et symbolique du pouvoir politique réagissant à un fait divers dramatique.

Il conviendra en outre de s'interroger sur la compatibilité de l'abolition du discernement avec la rédaction du nouvel article 221-5-6 du Code Pénal lequel dispose que  : 

"Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait pour une personne d'avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à mettre délibérément autrui en danger, lorsque cette consommation a entraîné un trouble psychique ou neuropsychique temporaire sous l'empire duquel elle a commis un homicide volontaire dont elle est déclarée pénalement irresponsable en application du premier alinéa de l'article 122-1".

On notera par ailleurs les éléments susceptibles d'écarter l'application de l'article 121-1 alinéa 2 portant sur l'altération du discernement, qui peut avoir un effet non pas sur la responsabilité pénale mais sur le quantum de la peine encourue, sont très différents.


Ainsi, aux termes de l'article 122-1-2 , la Loi dispose désormais que :


« La diminution de peine prévue au second alinéa de l'article 122-1 n'est pas applicable en cas d'altération temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d'un crime ou d'un délit lorsque cette altération résulte d'une consommation volontaire, de façon illicite ou manifestement excessive, de substances psychoactives ».


Le nouveau dispositif législatif susceptible d'écarter les conséquences juridiques d'une altération du discernement ne repose que le caractère illicite ou manifestement excessif de la consommation de produits psychoactifs...sans que cette consommation soit nécessairement réalisée dans le but de commettre une infraction ni même que cette consommation s'inscrive dans un temps voisin de l'action.


Au-delà des deux régimes juridiques relatifs aux troubles du discernement, la Loi retient donc deux logiques distinctes pour apprécier la non-application du principe général.


Avec quels effets pratiques ? La question reste entière...


Vous souhaitez être assisté(e) par un avocat ? Vous pouvez prendre contact avec la Cabinet de Me Maxime COLLIOU, avocat au Barreau de BREST.