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Vers une modification de la procédure disciplinaire des avocats ?

Le 07 mai 2021
Vers une modification de la procédure disciplinaire des avocats ?
Le projet de Loi "confiance en la justice" actuellement en discussion au Parlement envisage une modification de la procédure disciplinaire des avocats. Une mauvaise idée construite sur la base d'un postulat inexact.

Dans une interview accordée au quotidien Le Monde et reprise dans le magazine Challenges le Garde des Sceaux justifiait son intention de modifier la procédure disciplinaire des professions réglementées, dont celle de la profession d'avocat. Le constat fait par le Ministre de la Justice est tronqué et biaisé.


Eric DUPOND MORETTI déclarait dans les colonnes de « Le Monde » : « Aujourd'hui, un justiciable peut penser que les formations disciplinaires des professions du droit, c'est copain-coquins ». Une telle affirmation est pour le moins curieuse de la part d'un ancien avocat qui ne peut ignorer au regard de son passé professionnel le fonctionnement des instances disciplinaires de la profession d'avocat.


De même, Cécile UNTERMAIER, députée (PS) indiquait que « les usagers ne croient pas du tout à la justice par les pairs ».


Cette présentation orientée de la situation actuelle, ne manque pas d'étonner.


Tout d'abord, il est pour le moins curieux d'engager une réforme de la procédure disciplinaire lorsque celle-ci est basée sur le fait qu'un justiciable « peut penser » ou que les usagers (la terminologie utilisée n'est d'ailleurs pas sans poser question) « ne croient pas » à la justice ordinale.


Ensuite, à supposer que la procédure disciplinaire serait instrumentalisée par avocats pour protéger leurs confrères de toute sanction, le Garde des Sceaux et les députés UNTERMAIER et MATRAS semblent oublier que les poursuites peuvent être engagées par le Procureur Général près la Cour d'Appel, en application des dispositions de l'article 188 du Décret du 27 novembre 1991. Et dans l'hypothèse où le fait reproché ne serait pas considéré comme caractérisant un manquement disciplinaire, l'autorité de poursuite peut contester la décision devant la Cour d'Appel.


Par ailleurs, le projet de réforme souhaité par Eric DUPOND MORETTI serait de créer des services d'enquête et de faire présider les audiences par un magistrat, mettant ainsi fin à tout soupçon. Au-delà d'une atteinte à l'indépendance de la profession d'avocat, d'aucuns ne manqueront pas de s'interroger sur cette nouvelle mission confiée à les magistrats dont on ne sait que trop qu'ils sont déjà très peu nombreux. Comme l'a indiqué Mme le Bâtonnier FONTAINE, Présidente de la Conférence des Bâtonniers, on imagine facilement les conséquences de l'engorgement à venir et l'explosion des délais de procédure si, tel que l'envisage la Chancellerie, les « usagers » saisir directement l'instance disciplinaire pour des problématiques qui ne relèvent pas de son champ de compétence (honoraires, responsabilité civile, …).S'il est à tort perçu comme un filtre, le bâtonnier permet surtout d'orienter les demandes selon leur nature. 

Enfin, cette défiance n'est pas fondée, dans la mesure où la discipline est assurée par un Conseil Régional de Discipline (CRD), dont la composition est précisée à l'article 180 du Décret du 27 novembre 1991, interdit tout suspicion. On rappellera que dans le cas particulier de l'Ordre des Avocats au Barreau, le Conseil Constitutionnel a pu indiquer que sa composition était conforme à la constitution (Décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011)


L'insinuation dune forme de laxisme dans l'autorégulation dans la discipline des avocats est infondée. On ne saurait considérer que le système fonctionne mal parce que le taux de condamnation disciplinaire serait de l'ordre de 2 pour mille avocats , alors qu'il de 6 pour mille pour les médecins.

La défiance supposée envers les ordres ne vient pas des justiciables. On peut se demander dans quelle mesure elle est issue d'un fantasme politique.


S'il est toujours opportun de chercher a améliorer un système existant, quel qu'il soit, on comprend mal les motifs réels de la remise en cause de procédure disciplinaire des professions réglementées. Surtout par ceux dont les fonctions professionnelles ou les travaux parlementaires devraient amener à une réflexion plus objective.